Henri-Georges Clouzot -

Henri -Georges Clouzot fut amateur de littérature et notamment de littérature policière ou plutôt criminelle puisque ce terme englobe les différents genres allant du roman d'énigme au roman noir. Il tenait ce penchant de son père, qui gérait une librairie familiale à Niort. Son goût pour la lecture transparait dans la réalisation de ses fims qui sont très souvent adaptés d'un roman : le parcours de sa filmographie ne laisse aucun doute à ce sujet et nombreux furent les auteurs qui servirent de base à son travail d'adaptateur, scénariste, dialoguiste ou réalisateur. Dans le domaine qui nous intéresse différents genres furent abordés : l'énigme avec Stanislas-André Steeman ( Six hommes morts porté à l'écran sous le titre Le dernier des six , l'assassin habite au 21 et Légitime défense sous le titre Quai des orfèvres), l'étude psychologique avec Georges Simenon (les inconnus dans la maison), l'action avec Georges Arnaud (le salaire de la Peur), le suspense avec Boileau-Narcejac (Celle qui n'était plus sous le titre les diaboliques) et même la science fiction avec Charles-Robert Dumas et Francis Didelot (La machine à prédire la mort sous le titre Le Monde tremblera) . L'abbé Prévost fut également mis à contribution et son oeuvre " l' Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut" fut retraitée, sans trahir l'esprit du texte initial, dans le cadre contemporain de 1948 pour devenir un authentique film noir (Manon). De même l'écrivain tchèque Egon Hostovsky par le biais de son roman " Le vertige de minuit" a inspiré l'histoire d'un film d'espionnage qui nous plonge, avec quelques moments d'humour caustique, dans un monde angoissant et absurde (Les espions). Bien sûr lors de ces différentes adaptations Clouzot a toujours usé d'une grande liberté avec le texte d'origine et tous les critiques et analystes de son oeuvre ont fait remarquer que, bien avant la narration de l'histoire, c'était l'étude du caractère des personnages et la description des milieux où ils évoluaient qui l'intéressaient le plus : une boite de nuit à grand spectacle et les tribulations d'une bande de copains (le dernier des six), une pension de famille banale avec ses hôtes excentriques et inquiétants (l'assasin habite au 21), une ville de province d'apparence calme avec ses notables lâches et hypocrites et leurs enfants laissés à eux-mêmes (les inconnus..), un village sud américain paumé dans la moiteur tropicale où sont englués des aventuriers internationaux ratés ( le salaire..), un collège privé minable avec son directeur dictatorial et un corps enseignant médiocre et veule (les diaboliques), le milieu artistique du music-hall d'après guerre où enquête un flic désabusé (quai des orfèvres), et aussi la période trouble et corrompue de la libération où évolue un couple amoral (Manon) ou encore un homme ordinaire perdu dans le labyrinthe du monde absurde de l'espionnage (les espions). Chaque fois le ton est sombre et Clouzot développe au cours de ces récits quelques chapitres de sa vision pessimiste de la vie.
A coté de ces adaptations n'oublions pas que Clouzot gratifia les amateurs de récits policiers psychologiques d'une pièce maîtresse (Le corbeau) écrite en collaboration avec Louis Chavance, et d'un film à tonalité noire : La vérité où il donna à Brigitte Bardot, sex-symbol jusqu'alors cantonnée aux rôles de comédies légères, l'occasion de s'exprimer en remarquable tragédienne.
A ce sujet il faut rappeler que sur un plateau de tournage Clouzot était un tantinet despotique. Il exigeait le contrôle total de ses interprètes. Les témoignages abondent sur son comportement désagréable pendant les tournages; il était même parfois odieux avec certains acteurs. A sa décharge il faut comprendre qu' il s'investissait complètement pour son film et n'acceptait aucune complaisance envers lui-même et les autres. Il n'y a là rien de bien étonnant car on sait bien que cette attitude rigide est très souvent partagée dans bien d'autres domaines par les amoureux inconditionnels de leur métier.

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